Retour sur
LA SOCIÉTÉ MÉTALLURGIQUE
de Normandie
À l’occasion de la publication d’un ouvrage intitulé Les Femmes et l’usine au temps de la SMN, retour sur l’histoire de la Société Métallurgique de Normandie.
Une brève histoire de la SMN
Les origines de cette grande aventure industrielle calvadosienne remontent au XIXe siècle avec l’ouverture de concessions minières à Saint-Rémy-sur-Orne (1875), May-sur-Orne (1893-1896) et Soumont (1909-1910). Il s’agissait alors d’extraire le minerai de fer qui y abondait et dont la qualité attira l’industriel allemand August Thyssen. Son idée ? Bénéficier de l’entrée maritime du canal de Caen à la mer afin d’exporter le minerai de fer vers l’Allemagne et d’importer en retour du charbon.
Très vite, pour rentabiliser cette exploitation, il décida d’implanter à Colombelles le seul complexe sidérurgique de tout l’ouest de la France. Le titre d’un article, paru en juin 1913 dans La Revue illustrée du Calvados, est évocateur : « Près de Caen, un nouveau Creusot s’élève ». En plus de l’usine, la cité industrielle du Plateau fut créée à proximité immédiate sur les territoires de Colombelles, Giberville et Mondeville. Cette cité offrait toutes les installations nécessaires aux habitants : école élémentaire, école ménagère et d’apprentissage, logements, coopératives alimentaires, salle de spectacle, stade… Elle reprenait ainsi les principes du paternalisme industriel que les anciens employés de l’usine ont coutume désormais de résumer en une expression : « On naît, vit et meurt SMN ». Cet attachement à l’entreprise devait permettre une fixation de la main-d’œuvre et une disponibilité à toute épreuve. À l’époque, l’usine avait parfois du mal à recruter la main-d’œuvre locale, attachée au travail de la terre. Elle s’appuya donc sur une main-d’œuvre étrangère importante, d’origine diverse selon les époques : chinoise, kabyle, russe, polonaise, espagnole, italienne…
La métallurgie requiert des connaissances techniques pointues mais est aussi particulièrement dangereuse et, malheureusement, parfois fatale. Ces caractéristiques produisent là-aussi une forte solidarité entre les travailleurs.
La SMN maîtrisait toute la chaîne de production de l’acier. Elle a survécu aux aléas de l’histoire contemporaine : mise sous séquestre lors de la Grande Guerre, destruction quasi totale lors de la Seconde Guerre mondiale. Sa reconstruction, achevée en 1953, lui permit de profiter pleinement des Trente Glorieuses. Ainsi, en 1973, la production atteignit le million de tonnes : la SMN constituait alors le plus important site industriel de la région. En 1974, autour de 6 500 ouvriers y travaillaient !
Ce monde clos produisit une culture ouvrière particulièrement forte, fière de sa technicité, et attachée à un territoire bien défini. Annoncée en 1991, la fermeture de l’usine en 1993 liée notamment à une crise de l’acier, aux chocs pétroliers et à la concurrence internationale, n’en fut que plus tragique. Ce fut aussi un choc pour toute une région, particulièrement mobilisée contre sa fermeture. La Société Métallurgique de Normandie est aujourd’hui encore gravée dans les mémoires.
Les Femmes et l’usine au temps de la SMN, éditions Cahiers du Temps, ouvrage porté par l’Association Mémoire et Patrimoine SMN, 2020, 192 p., 23 €
Des archives pour faire l’histoire
S’il ne reste que d’infimes vestiges de l’usine, la cité ouvrière du Plateau est toujours bien visible. L’urgence, au moment de la fermeture, était le reclassement des salariés. Par la suite, les 160 hectares du territoire de l’usine ont été commercialisés. La conscience de la valeur patrimoniale du site a mis du temps à émerger.
Alors que les traces dans le paysage sont sans commune mesure avec l’importance historique du site, la mémoire de l’usine survit grâce aux récits des anciens, au travail des associations et notamment de Mémoire et Patrimoine SMN, ainsi qu’aux archives de l’entreprise.
Les archives de la SMN, particulièrement volumineuses, constituent des sources primordiales pour étudier et raconter cette histoire. Après un premier dépôt en 1988, les Archives départementales ont pris en charge l’important fonds historique de documents papier lors de la fermeture du site, cinq ans plus tard. Le fonds iconographique (photographies, plans) avait, lui, été transféré à
Florange (Moselle) et était la propriété d’Arcelor Mittal, lointain successeur de l’usine. Conscient de l’importance historique de ce fonds pour le Calvados, le groupe a accepté le transfert de ces collections iconographiques, et le don de l’ensemble des archives au Département du Calvados, en 2017. Vous pouvez accéder en ligne à l’inventaire de ces archives, et même retrouver une photothèque de plusieurs milliers de photographies !
Rendez-vous sur le site :
https://archives.calvados.fr
Un livre pour parler de l’histoire des femmes de la SMN
Les femmes ont toujours travaillé dans l’usine. Elles étaient moins nombreuses que les hommes parmi les ouvriers, mais les « femmes de la SMN » faisaient autant que les hommes partie de la vie de l’usine.
L’ouvrage Les Femmes et l’usine fait revivre ces destins de femmes, à travers leurs témoignages et de nombreuses archives. Il rappelle leur place dans cette communauté, et la diversité de leurs destins, entre le déterminisme social de la vie à l’usine et les opportunités d’émancipation offertes par le travail salarié.
Publié en novembre 2020 aux éditions Les Cahiers du temps, il est l’œuvre de Jean Ferrette, docteur en sociologie, et de l’Association Mémoire et Patrimoine SMN. Michelle Perrot, historienne pionnière de l’histoire des femmes, en assure la préface.
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