MICHEL CABIEU
de garde-côte à héros
Alors que les Archives du Calvados continuent leur travail pour vous faciliter l’accès à leur fonds, des documents sur un certain Michel Cabieu ont ressurgi. Calvados Magazine revient sur l’histoire de ce garde-côte qui, en 1762, repoussa, presque à lui seul, un détachement de 50 soldats anglais prêts à débarquer à Ouistreham.
Le 29 septembre 1929, Henri Chéron, alors ministre des finances et sénateur du Calvados, inaugurait une plaque, toujours visible à Ouistreham, sur laquelle il est inscrit : « Ici même dans la nuit du 12 juillet 1762, le sergent garde-côtes Michel Cabieu (1730-1804) repoussa seul une attaque anglaise et fut fait général par la Convention. » Cette plaque aujourd’hui scellée dans la clôture du cinéma Le Cabieu rappelle en effet un événement historique que la tradition a toutefois teinté d’héroïsme. De fait, Michel Cabieu, né le 2 mars 1730 et décédé le 13 brumaire an 13 (5 novembre 1804) à Ouistreham, fils de Marie de Caen et Louis Cabieu, fut bien l’auteur d’un geste remarquable le 12 juillet 1762, mais il ne fut pas seul cette nuit-là…
Au cœur d’un conflit majeur
En pleine guerre de Sept Ans (1756-1763), les Anglais lorgnaient sur les côtes normandes. Port-en-Bessin fut notamment bombardée et la ville du Havre subissait un blocus maritime commandé par l’amiral Rodney. En juillet 1762, une dizaine de navires français, chargés de bois de construction, devaient se rendre au port de Brest en partant de Caen. La marine anglaise cherchant à s’en emparer devait d’abord réduire au silence les défenses côtières que constituaient les redoutes de Sallenelles, Colleville et Ouistreham. Ainsi, trois divisions de 50 hommes chacune furent débarquées sur ces places mal défendues. Si les deux premières ne résistèrent pas longtemps, deux coups de canons tirés permirent aux gardes-côtes d’Ouistreham d’être alertés de l’attaque.
Un héros pas tout à fait seul…
Une lettre de Versailles datée du 31 juillet 1762, rédigée par le duc de Choiseul, constitue alors le seul témoignage factuel que conservent aujourd’hui les Archives du Calvados. Il y est précisé que Michel Cabieu « À la tête d’une escouade de 5 hommes est parvenu par son intelligence et sa valeur à mettre en fuite un détachement de 50 anglais qui était descendu entre les batteries de Colleville et Oystreham. »
Les récits locaux s’empressèrent d’héroïser cet épisode. Si le sergent garde-côte et ses hommes durent effectivement user d’artifices pour faire croire à leurs adversaires qu’ils étaient en nombre suffisant pour repousser l’assaut, de multiples déformations conduisirent à attribuer à Michel
Cabieu un acte héroïque seul face aux Anglais. Quelques variantes l’accompagnent d’un jeune tambour qui s’empressa de prendre la fuite pour se sauver avec sa femme et ses enfants. D’autres encore prétendent que celui que les Ouistrehamais nommaient désormais « le général Cabieu » – sans qu’il en ait le titre – soigna un officier anglais qu’il avait blessé par balle et lui permit de regagner l’autre rive de la Manche. Ces transformations liées à la tradition orale s’appuient aussi sur l’éloquent discours à l’Assemblée Constituante fait par le député de Caen, Gabriel de Cussy, le 4 septembre 1790. C’est oublier l’objectif de ce discours qui visait à persuader ses auditeurs d’attribuer une pension conséquente à Michel Cabieu alors nécessiteux malgré son acte de bravoure.
Honneur au « général Cabieu »
C’est ainsi la reconnaissance tardive envers Michel Cabieu qui occasionna les déformations. Une loi de la Convention Nationale du 25 thermidor an 2 (12 août 1794) vint toutefois rendre grâce au Ouistréhamais.
Outre une pension plus importante, cet acte législatif imposa que « le nom du général Cabieu, qui a été attribué par ses concitoyens, soit donné à la commune d’Oystreham, qu’il a sauvée de l’incendie. » Mais ceci ne dura que quelques temps… Michel Cabieu mourut à l’âge de 74 ans, veuf de feu Anne Vallerant. Il exerça durant sa vie les professions de tailleur et de maçon, l’activité de garde-côte ne permettant pas d’en vivre. La petite maison de Michel Cabieu existe toujours, rue de la Grève, à Ouistreham. Une plaque est également visible sur la maison dans laquelle il mourut au n°5 de la rue Carnot, à Ouistreham.
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