UNE JOURNÉE
au cœur d’un EHPAD
Alors que le coronavirus a contraint les Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes à se confiner et à modifier leurs habitudes de vie quotidienne, Calvados Magazine est allé à la rencontre des résidents et du personnel de l’EHPAD Sainte-Marie à Verson.
Une douce odeur de café…
7h du matin. Après avoir vérifié sa température à sa prise de poste et positionné son masque, le personnel de la résidence s’affaire. Pour les plus matinaux des 80 résidents, la toilette et les soins débutent dans les chambres tandis que l’odeur de café annonce l’arrivée prochaine du petit-déjeuner. Dehors, le soleil brille et laisse présager d’une belle journée. Chacun s’organise. Ce matin, tandis que certains s’adonnent à leurs jeux préférés, d’autres profitent de mettre le nez dehors. Dans la salle de télémédecine, Bernadette est en ligne par visioconférence avec sa fille et son neveu. Non loin de là, Bernard échange à travers la baie vitrée avec sa femme et sa fille, venues lui rendre visite.
Un régime sur mesure…
Aujourd’hui, navarin d’agneau, riz et haricots sont au menu du déjeuner. Dans le couloir, Catherine et Stéphanie servent les repas dans les chambres des résidents, une mesure mise en place depuis le début du confinement. « Nous connaissons leurs habitudes, leurs régimes et leurs goûts par cœur, s’enorgueillissent-elles. Et même leurs programmes TV préférés ». A sa table, René se dit patient et compréhensif face aux mesures de sécurité mises en place dans l’Ehpad mais confie sa lassitude de manger seul dans sa chambre. Heureusement, la semaine prochaine, les repas reprendront dans le réfectoire, dans le respect des gestes barrières (reportage réalisé le 25 mai)…
Retour vers une vie normale
Dans la salle du réfectoire, Nathalie, l’animatrice, reprend pour la première fois cet après-midi les animations. Au programme : atelier pompons et création d’un oiseau en papier dédiés aux classes de maternelles de la commune pour noël prochain. Marie-Thérèse, doyenne des lieux du haut de ses 102 ans et Marguerite, bientôt 100 ans, s’affairent à leur table pour enrouler la laine autour des ronds cartonnés. « Nathalie et les activités nous ont manqués », confie René. « Ça nous sort de nos chambres et nous permet d’échanger avec les autres », enchérit Jacqueline. A quelques mètres, les visites des familles se poursuivent à travers la baie vitrée tandis que de nombreux résidents profitent encore du soleil à l’extérieur. Bientôt, 18 heures s’annoncent et avec elles, l’arrivée prochaine du dîner. Ce soir, tandis qu’ils se couchent, les résidents de l’ehpad Sainte-Marie retrouvent la perspective d’une vie sociale et animée.
Sonia Germain – Infirmière coordinatrice
« Nous étions dans une bulle »
« Mon rôle est d’organiser le travail des équipes de l’établissement. L’arrivée du virus dans le département a engendré beaucoup de pression psychologique et une charge mentale importante. Nous avons dû majorer tous les gestes barrières, le personnel a été resensibilisé à ces gestes et a rapidement porté des masques pour travailler. A chaque prise et sortie de poste, chacun d’entre eux prend sa température. Afin de protéger nos résidents, l’établissement a été fermé aux visites dès le 9 mars et toute intervention extérieure a été arrêtée : coiffeurs, kiné, pédicure… Les rendez-vous à l’extérieurs ont été annulés.
On s’est sentis seuls pendant toutes ces semaines. Nous avons isolé les résidents dans leurs chambres dès le 17 mars, nous avons supprimé les animations. Les résidents ont plutôt bien supporté ce confinement, il n’y a pas eu de grosses souffrances. Nous avons mis beaucoup de choses en place et avons beaucoup communiqué avec nos résidents pour leur expliquer la situation et également avec leurs familles. Le personnel s’est montré très responsable et très investi ».
Yolande – Résidente
« Je suis d’un naturel optimiste »
« Avant, mes enfants venaient me voir régulièrement et m’apportaient des courses… Depuis l’arrivée du virus, nous n’avons plus le droit aux visites, c’est ce qui me manque le plus. Mais j’ai un tempérament optimiste, c’est ce qui m’aide à tenir. Le virus, il faut l’accepter. Je m’occupe beaucoup. Je fais des mots-mêlés, du soduko, je découpe des fleurs dans des magazines pour en faire des compositions… et puis je pense à tous ceux qui sont pris.
Ici, les gens ont bien fait leur travail. Je n’étais pas inquiète, je me sentais en sécurité. Le personnel avait des masques, nous sommes restés manger dans nos chambres… Pour garder le lien avec notre famille, des visioconférences ont été mises en place une à deux fois par semaine, c’est important. Et puis nous pouvons quand même pu sortir dehors dans le parc pour prendre l’air. Et les animations reprennent aujourd’hui, c’est bien ! »
Patricia Rault – Directrice adjointe
« Montrer que je répondais présente »
« J’ai pour rôle de piloter et d’orchestrer le bon fonctionnement de l’établissement, dans tous ses aspects. Cela va de la gestion des entrées et des sorties des résidents aux problèmes techniques, en passant par le bien être des résidents, la communication avec les familles… Quand le Covid 19 est arrivé, il a fallu tenir le cap. Nous avons mis en place très rapidement les gestes barrières, formé le personnel, fermé l’établissement aux visites, cessé les animations…
Nous avons anticipé la présence éventuelle du virus dans notre établissement et nous étions prêts. Notre priorité était d’empêcher le virus d’entrer mais aussi de communiquer avec le personnel, les résidents et leurs familles. Il a fallu les rassurer, ne pas se relâcher.
Nous avons dû nous substituer aux familles en allant faire les petites courses pour les résidents. Le personnel a été très investi et responsable. Tout notre travail a été fait de manière étroite avec les autres établissements médico-sociaux de la fondation Miséricorde et en collaboration étroite avec le Conseil départemental du Calvados. C’est ce travail collégial qui a très probablement été le gage de la non présence du virus dans nos 4 établissements ».
Cécile – Résidente
« Mes petits-enfants m’appellent »
« Le virus ne m’a pas embêté. Cela ne m’inquiétait pas car la direction a fait tout ce qu’il faut pour que le virus n’arrive pas ici. Le plus difficile pour moi, c’est de prendre les repas dans la chambre. Avant, le dimanche, ma fille venait me chercher mais aujourd’hui, on ne peut plus sortir à l’extérieur de l’Ehpad, même pour les rendez-vous extérieurs. Personnellement, la première chose que je ferai quand je pourrai sortir, c’est aller chez le dentiste ! En attendant, je sors tous les jours dehors dans le parc voir d’autres résidents. J’aime parler. J’ai aussi beaucoup communiqué par téléphone et par visio avec ma famille et puis mes filles viennent me voir en visites extérieures. Je me plais beaucoup ici, je ne m’ennuie pas du tout ».
Emilie Navarro – Aide-soignante
« C’est un super beau métier »
«« Je suis issue d’une famille d’aides médicaux. C’est ma maman qui m’a donné le goût de prendre soin des autres. J’attache beaucoup d’importance à mon métier, c’est un vrai choix de travailler auprès des personnes âgées. J’ai trouvé dans cet Ehpad une cohésion d’équipe avec des gens qui aiment prendre soin des autres, avec les mêmes valeurs. Notre métier, ce n’est pas juste laver les résidents, c’est aussi les réveiller avec douceur, leur apporter un sourire et un bonjour qui vont conditionner leur journée, échanger avec eux, être attentif à comment ils vont, à leur état général et psychologique. C’est aussi encadrer la famille pour les résidents en fin de vie.
C’est un métier dur, où l’on donne et où l’on reçoit beaucoup. Quand j’ouvre la porte le matin et que je vois la lumière et le plaisir de me voir dans les yeux des résidents, alors c’est pour moi la plus belle des récompenses.
L’arrivée du virus a été angoissante pour moi. Je me disais en allant travailler dans l’Ehpad : « quelle responsabilité ! ». Notre rôle de rassurer les gens a été encore plus accentué. Certains résidents avaient peur. Porter un masque toute la journée, c’est difficile et les résidents ont exprimé leur gêne de ne plus voir nos visages et nos expressions. Nous avons dû rationner les équipements et les protections. Nous avons également été un lien avec les familles : nous leur avons envoyé des photos, des messages des résidents, nous avons servi d’intermédiaire… Les familles sont reconnaissantes de tout cela. Nous avons eu peur que certains résidents glissent vers une grande souffrance ou ne dépriment mais cela n’a pas été le cas. Je tire mon chapeau à notre équipe car nous sommes venus malgré l’angoisse et personne n’a reculé, personne n’a flanché ».
PAROLE D’ÉLUS
« Depuis le début de l’épidémie, les Ehpad font l’objet d’un suivi et d’un accompagnement renforcés. Le Département a mis en place des actions spécifiques afin de soutenir et accompagner les directeurs et les personnels des 89 établissements du Calvados dans la mise en œuvre de mesures visant à mieux protéger leurs résidents. Les services du Département œuvrent au quotidien pour recueillir les besoins de chaque Ehpad et apporter des solutions à leurs problématiques. Ce travail d’écoute, de dialogue, de soutien ainsi que les moyens mis à leur disposition, a sans nul doute permis, et continue de permettre, aux Ehpad de faire face à la crise sanitaire ».
Sophie Simonnet et Ludwig Willlaume
Conseillers départementaux du canton de Caen 1