AIDER LES AIDANTS :
une BD publiée pour les accompagner

Pour mieux comprendre les aidants et partager avec le grand public les difficultés rencontrées, le collectif de soutien des aidants du Bessin Pré-Bocage a édité une BD*. L’ouvrage de 56 pages, scénarisé et dessiné par l’auteur-illustrateur Jérôme Eho, met en images et en textes le quotidien de 12 personnes qui aident un proche. Témoignages.

© Jérôme Eho – Auteur, illustrateur

Fatigue, culpabilité, solitude, impuissance face à la souffrance… C’est pour mieux comprendre les aidants et partager avec le grand public les difficultés qu’ils rencontrent que le collectif de soutien des aidants du Bessin Pré-Bocage a édité une BD, ou plus précisément un roman-graphique. « Nous avons créé un collectif pour accompagner les aidants et leur permettre d’échanger sur leurs préoccupations au quotidien. Nous organisons régulièrement des ateliers pour leur faire savoir comment nous pouvons les accompagner. Cette année, nous avons décidé d’innover en proposant une idée originale : éditer une BD ! », explique Sévérine Adam, co-animatrice du collectif et responsable adjointe de la Circonscription d’action sociale du Bessin en charge de l’autonomie.

« Seul, on peut s’épuiser, ensemble on se soutient »

Un quotidien mis en avant

Cet ouvrage original, scénarisé et dessiné par l’auteur-illustrateur Jérôme Eho, met en images et en textes le quotidien de douze personnes qui aident un proche. Des témoignages qui permettent de partager les expériences face à des sujets graves comme l’annonce de la maladie, la peur de la fin de vie, le deuil, la douleur ou encore la maladie d’Alzheimer…
Paru début novembre, l’ouvrage de 56 pages a été tiré à 3 000 exemplaires. On y trouve pour chaque histoire une planche et un texte, ainsi que le carnet de bord d’un professionnel qui complète le témoignage.

Le livre sera disponible à la lecture sur le site www.calvados.fr et consultable dans tous les CLIC du Calvados.

Bon à savoir

Un guide aux aidants est disponible dans tous les CLIC du Calvados.

PAROLE D’ÉLUE

Dans le cadre du Schéma départemental de l’autonomie du Département et grâce aux fonds de la Conférence des financeurs de la prévention de perte d’autonomie du Calvados, ce projet pour accompagner les aidants a pu voir le jour. C’est un nouvel outil pour créer du lien social et lutter contre l’isolement. »

Sylvie Lenourrichel
Vice-présidente du Département du Calvados – Canton d’Aunay-sur-Odon

Catherine Philips de Villers-Bocage a accompagné son mari atteint de la maladie d’Alzheimer jusqu’à son décès.

« Donner un sens à toutes nos expériences »

Secrétaire médicale dans un service de consultations pour la mémoire, Catherine était confrontée depuis longtemps à la souffrance des patients et des familles. C’est dans son bureau qu’elle a appris que son mari était atteint de la maladie d’Alzheimer.

Comment avez-vous vécu l’annonce de la maladie de votre mari ?
« Lorsque j’ai appris la terrible nouvelle, ce fut un choc car je connaissais parfaitement les perspectives. Je savais la souffrance et les difficultés des proches à l’annonce de la maladie mais y être confrontée moi-même, je ne pouvais pas imaginer. J’étais effrayée car je n’avais pas le recul nécessaire pour l’accepter. Jusqu’ici cette maladie faisait partie de mon milieu professionnel et j’avais beaucoup d’empathie pour les patients, mais là, il fallait l’accepter à titre personnel. C’est totalement différent ».

Comment avez-vous géré cette épreuve ?
« C’est une maladie qui a une évolution permanente et dont on connaît l’issue. Il faut donc s’adapter au jour le jour. J’ai dû me surpasser au quotidien, trouver des solutions pour tous les problèmes. Je me suis servie de mon approche professionnelle mais le lien affectif change aussi les choses. L’affect est au milieu et l’approche personnelle prend le dessus. Cette épreuve a changé ma façon d’envisager la maladie. Je me suis découverte au fil des jours ».

Qu’avez-vous pensé de l’idée de réaliser ce roman graphique ?
« Après le décès de mon mari, j’ai participé aux ateliers des aidants. C’était essentiel pour moi d’être utile pour les autres et de partager mon vécu. Créer une BD allait aussi dans ce sens. J’ai découvert un moyen d’expression que je ne connaissais pas et j’ai osé partager une expérience individuelle douloureuse. Il a fallu dépasser la pudeur, mettre des mots sur la douleur et laisser passer les émotions. Mon expérience individuelle s’est transformée en expérience collective. On se croit tellement seul et on réalise ensuite qu’on vit tous la même chose ».

A la lecture du livre, qu’en avez-vous pensé ?
« Je suis très heureuse d’avoir participé à cette aventure. Lire mes mots, mes expressions, mon histoire, ce fut un deuxième choc pour moi. Mais aussi une libération. Partager mon expérience a désormais un sens. Le travail avec Jérôme Eho et la formidable équipe des animatrices était passionnant. Jérôme a su capter et traduire nos émotions en dessins. Il nous a tous écoutés patiemment et nous avons pu exprimer nos peurs. C’est un défi que nous avons partagé avec toute l’équipe ».

* Le groupe est soutenu par le Départemental du Calvados, la Conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie du Calvados, Malakoff Humanis, la MSA Côtes normandes, le Groupement de coopération sanitaire Axanté, l’association Soins et maintien à domicile du Bessin, le Centre hospitalier Aunay-Bayeux, la plateforme de répit du Bessin-Prébocage, la filière AVC Normandie et le CLIC du Bessin.

Jeannine et Roland Ballou de Saint-Jean-le-Blanc, vivent le quotidien de proches aidants sur tous les fronts.

« Ça soulage de pouvoir parler avec d’autres aidants »

Depuis 2009, la vie n’a pas épargné Jeannine et Roland Ballou. Après l’annonce de la maladie de Roland, Jeannine a dû affronter la dépendance de sa maman. Deux épreuves qui ont complètement changé la vie du couple.

Comment organisez-vous votre vie au quotidien ?
« Roland, mon mari, est en fauteuil roulant depuis 2016 et ma maman perd son autonomie régulièrement depuis 6 ou 7 ans. Même si nous sommes accompagnés avec les aides mises en place, je dois gérer les courses, les rendez-vous médicaux, aider à la promenade… », précise Jeannine.
De son côté, Roland a pris en charge les comptes de sa belle-mère. « Je suis en fauteuil roulant, mais ça ne m’empêche pas de m’occuper de toute la partie administrative. J’ai toujours aimé ça. Ma belle-mère n’y voit plus beaucoup, alors je fais ses comptes et s’il y a des décisions à prendre, je m’en charge », ajoute Roland.

Avez-vous accepté tout de suite de participer à la BD ?
« Quand les animatrices nous ont parlé de ce projet, nous étions enthousiastes. Mais quand il a fallu parler de ce que nous vivions, nous avons trouvé ça difficile. Ce n’est pas habituel de parler comme ça de nos difficultés. Toute l’équipe nous a aidés à mettre des mots sur notre vécu, à exprimer nos sentiments. A un moment, j’ai même failli arrêter, il y avait trop d’émotion », raconte Jeannine.

Avez-vous accepté tout de suite de participer à la BD ?
« Quand les animatrices nous ont parlé de ce projet, nous étions enthousiastes. Mais quand il a fallu parler de ce que nous vivions, nous avons trouvé ça difficile. Ce n’est pas habituel de parler comme ça de nos difficultés. Toute l’équipe nous a aidés à mettre des mots sur notre vécu, à exprimer nos sentiments. A un moment, j’ai même failli arrêter, il y avait trop d’émotion », raconte Jeannine.

Qu’en pensez-vous maintenant que vous avez vu le livre ?
« J’ai beaucoup pleuré parce que je revivais en mots toutes ces dernières années. Mais, quand j’y pense, ça m’a fait du bien de pouvoir parler. Et maintenant, je me dis que si c’était à refaire, je recommencerais ! Le résultat est super. C’est bien dessiné et très réaliste. Nous nous retrouvons dans les personnages ».

Jérôme Eho est l’auteur-illustrateur de l’ouvrage. Après avoir travaillé dans la publicité, il a rejoint l’univers de la bande dessinée et illustré également de nombreux ouvrages historiques. Depuis le Bessin, il participe depuis plusieurs années à la série des livres éducatifs « Les Petits Citoyens ».

« Je suis resté fidèle à chaque histoire et à chaque personnalité »

Avec ses crayons, Jérôme Eho a participé à cette aventure en mettant en images les témoignages émouvants des aidants qu’il a rencontrés lors des ateliers de préparation. Les situations de chacun d’entre eux l’ont particulièrement ému.

Comment avez-vous préparé cet ouvrage ?
« J’ai fait connaissance de toutes les personnes qui avaient accepté de témoigner lors d’un premier atelier proposé par les animatrices du collectif. Je n’avais pas imaginé l’émotion que ce rendez-vous provoquerait pour tout le monde. Certains pleuraient en évoquant leur vie. C’était à la fois touchant et violent pour moi. Au lieu de simplement apporter mes compétences graphiques, j’ai participé au projet, je suis rentré dans chaque histoire et j’ai essayé d’être leurs mains pour dessiner leur ressenti. C’était humainement très fort ».

Les dessins sont parfois très différents. Pourquoi ce choix ?
« Toutes les histoires étaient très dures et émouvantes. Mais elles étaient aussi très différentes. Je me suis adapté à chaque personnalité pour trouver mon chemin graphique et ne pas trahir le vécu. Même si les aidants connaissent des sentiments similaires dans la souffrance ou la solitude, chaque histoire est vécue différemment. A chaque témoignage correspondent des mots et un trait de dessin bien particuliers».

« Il subsiste une grande émotion. Je ne m’attendais pas à vivre cela. J’ai fait de jolies rencontres allant parfois jusqu’à une certaine complicité. Je peux même dire que cette expérience m’a fait du bien. J’ai réalisé que moi aussi j’avais été aidant avec mon père et que ces sentiments ne m’étaient pas inconnus ».

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