14 talents
calvadosiens mis à l’honneur
Comme tous les ans, le Département du Calvados a choisi 14 Calvadosiens qui représentent le dynamisme du territoire et dont le savoir-faire, l’action ou l’inventivité ont été remarqués.
Toutes les photos : photo911.fr – Damien Aubin
Texte : Hélène Laville
David Etasse Médaillé de cristal du CNRS pour son projet FASTER
Au royaume de l’infiniment petit, la précision fait loi. Chaque expérience de physique nucléaire requiert des dispositifs de traitement de données fiables et performants. Une injonction que connaît bien David Etasse, ingénieur de recherche au sein du Laboratoire de Physique Corpusculaire (LPC) de Caen. Dès 2004, il fait de l’acquisition de données, qu’il estime largement perfectible, son cheval de bataille. « Imaginez que, pour analyser une expérience, vous soyez contraints de fermer les yeux dès que vous observez un événement, le temps que votre cerveau traite l’information», explique David Etasse. « Vous passeriez à côté de tous les autres phénomènes se produisant au même moment».
Fort de ce constat, David Etasse repense entièrement la chaîne d’acquisition de données et propose un nouveau système, majoritairement numérique, permettant de traiter l’information en temps réel. Le projet FASTER était né (FASTER est l’acronyme de Fast Acquisition System for Nuclear Research, en français : système d’acquisition rapide pour la recherche nucléaire). L’ingénieur poursuit : « à l’époque on parlait peu du traitement numérique de données en physique nucléaire», un domaine à la croisée des chemins entre électronique et informatique qui s’est pourtant avéré stratégique. « Aujourd’hui avec FASTER, on a les yeux presque toujours ouverts. Si par exemple, avec l’ancien système, il nous fallait attendre 25 minutes pour acquérir suffisamment de données, il nous faut désormais 20 secondes».
Il faudra plusieurs phases de développement, une dizaine de personnes et près de 12 années pour développer le dispositif dans sa forme actuelle. Plus rapide, plus performant et surtout plus transportable, le système FASTER a été conçu pour s’affranchir des spécificités d’une expérience. Générique, il s’adapte à presque toutes les utilisations en physique nucléaire. « Avec l’équipe, nous souhaitions que FASTER soit accessible à toute la communauté des chercheurs de ce domaine et que le dispositif réponde vraiment aux besoins des utilisateurs. Il est actuellement distribué dans 10 pays ! » Les modules électroniques sont produits à Mondeville, avant d’être programmés au LPC, un autre point de satisfaction pour David Etasse, à qui il tenait à cœur de valoriser le savoir-faire local.
« Recevoir la médaille de cristal du CNRS est très gratifiant mais c’est surtout une belle preuve de ce que nous avons pu accomplir en équipe. Nous avons réuni au niveau du territoire les compétences individuelles qui ont fait la réussite de FASTER. »
Françoise François Une deuxième vie pour l’abbaye de Saint-Pierre-sur-Dives
« Il faut imaginer dans quel état était l’ensemble lorsque les travaux ont débuté. Les bâtiments étaient divisés en 26 lots d’habitation, chacun sur 3 étages. » Comme l’explique Françoise François, adjointe au maire, en charge du patrimoine et de la culture de Saint-Pierre-en-Auge* de 2001 à 2020, c’est cette division, réalisée après la révolution française, qui a préservé les lieux. La commune a racheté l’intégralité des parcelles sur une période de 50 ans. « Nous avons la chance de disposer d’une abbaye complète, l’une des dernières de Normandie. »
L’ancienne abbaye bénédictine, classée au titre des monuments historiques, fait l’objet d’une réhabilitation depuis 2004, date à laquelle Françoise François commence à se pencher sur le dossier des bâtiments conventuels de Saint-Pierre-sur-Dives*. Les travaux débutent officiellement en 2013, chahutés par de nombreux aléas, dont le plus sérieux faillit définitivement arrêter le chantier, sauvé in extremis par une émission de télévision et une campagne de dons en ligne.
Françoise François qui, bien que férue d’histoire, n’est pas formée à la restauration du patrimoine, porte le projet avec une détermination sans faille. Une persévérance teintée d’inquiétudes, récompensée par des découvertes spectaculaires révélées au gré des travaux. Entre autres vestiges, ont été mis à jour un escalier du 11e siècle, des cheminées d’origine ainsi qu’une fresque de 8m de long datant du 18e siècle, protégée par d’épaisses couches de papier peint. « C’est très émouvant de donner lecture de ce qui existait avant », commente Françoise François.
« Il a fallu de l’imagination et de la persévérance, mais c’est un tel plaisir de voir ce patrimoine renaître. L’abbaye a été réhabilitée en lieu de vie, elle a repris sa place au cœur de la commune. » Alliance parfaite du respect du patrimoine et de la fonctionnalité qu’exigent les usages modernes du public, l’ancienne salle capitulaire accueille désormais une salle d’exposition. Le réfectoire est devenu un auditorium. La bibliothèque, la maison des services au public et le bureau d’informations touristiques ont investi les lieux et l’implantation d’un tiers-lieu y est également à l’étude.
« La prochaine phase du projet permettra au cinéma d’intégrer le site. Je passe le flambeau de ce dossier, sereine et fière de ce projet collectif dans lequel se sont investies de nombreuses équipes aux niveaux communal, intercommunal et départemental. »
*En 2017, Saint-Pierre-sur-Dives a intégré la commune nouvelle de Saint-Pierre-en-Auge.
Georges Jouanne Un clown au service du handicap
Artiste indépendant depuis vingt ans, Georges le Clown découvre sa vocation en rentrant de son service militaire, quand sa passion pour le jonglage évolue en véritable vocation. Désormais résident à la Ferme Culturelle du Bessin, il a eu l’opportunité de se produire en Chine et en Inde, des pérégrinations circassiennes idéales pour nourrir son inspiration et promener son regard philosophe sur le monde. « Le clown est un miroir, il se joue de tout et surtout de nos failles pour passer des messages. Il y a un équilibre subtil à trouver pour divertir tout en appréhendant des sujets parfois sérieux, sans tomber dans les clichés. »
Issu d’une famille qui porte haut ses convictions sociales, Georges le Clown insiste sur sa volonté de travailler dans une perspective à la fois artistique et humaine. C’est ainsi qu’il crée ses spectacles, en traitant des sujets qui lui sont chers, dans le but de divertir, bien sûr, mais également de donner à son public matière à réflexion. Un intérêt pour la transmission et la pédagogie partagé par l’association À vue de truffe, instigatrice des Dîners dans le Noir à la Ferme Culturelle du Bessin (un projet partagé par l’AVEC, qui encadre les malvoyants en cuisine). De cette rencontre est né il y a deux ans un atelier animé par Georges Jouanne, à destination des déficients visuels. Lors de ces cours hebdomadaires, cinq malvoyants s’initient aux arts du cirque. Trapèze, échasses, jongleries, acrobaties, des disciplines exigeantes et audacieuses qui défoulent autant qu’elles rapprochent les élèves.
Si l’approche pédagogique diffère un peu, le clown fait en sorte de s’affranchir des barrières du handicap. Dans ces ateliers, on ose et surtout, on apprend à se faire confiance. « Le plus souvent c’est nous qui nous posons des limites. » Les participants des ateliers, quel que soit leur niveau de handicap, font preuve d’une force de caractère qui impose le respect. Sans parler d’un sens de l’humour assez détonnant. « On travaille beaucoup sur la dérision. J’aime le fait d’adapter ces pratiques aux personnes que l’on penserait les moins adaptables. C’est presque clownesque comme concept ! » conclut Georges Jouanne.
« Il s’agit d’une action parmi de nombreuses autres mises en œuvre par À Vue de Truffe. Il faut saluer le travail de cette association, qui met toute son énergie au service de personnes en situation de handicap visuel. »
Ginette Grancher L’énergie du bénévolat pour la lecture publique
Pour beaucoup d’entre nous, la bibliothèque est associée à l’odeur réconfortante des livres, aux chuchotements dans le silence feutré et à l’ouverture sur un monde d’histoires nouvelles… Des expériences souvent rendues possibles grâce à l’investissement de bénévoles. En 2019, on recensait dans le Calvados 120 bibliothèques dont 52 fonctionnent uniquement sur la base du bénévolat, 17 avec des salariés et 51 avec des équipes mixtes. Le parcours de Ginette Grancher est emblématique de celui de ces femmes et hommes qui donnent leur temps et apportent leurs compétences au réseau de bibliothèques du Calvados.
« J’habitais depuis peu à Cairon lorsque je me suis impliquée dans l’aventure à ses débuts, en 1999, nous étions alors 5 » raconte Ginette Grancher. Tout de suite soutenus par la commune, les bénévoles installent leurs premiers cartons de livres à l’étage de la mairie. Les échanges entre l’équipe municipale et les bénévoles de la bibliothèque ne cesseront pas durant 2 décennies. « En tant que porte-parole de l’équipe, je faisais parler les chiffres pour expliquer nos besoins et les attentes du public. Il était important de rendre visible ce que nous mettions en place mais également d’évoquer les moyens nécessaires pour en faire davantage. » Cet état d’esprit positif aboutit en 2010 à l’installation de la bibliothèque dans un bâtiment neuf, plus spacieux et surtout plus accessible. 2013 voit ensuite l’embauche d’une salariée à temps partiel, qui évoluera en temps plein en 2019.
« Le bénévolat, notamment dans les bibliothèques, est un engagement qui requiert de la créativité et de la constance. Chaque avancée prend du temps, cependant le plaisir que nous prenions à promouvoir la lecture et à interagir avec le public nous a permis de porter le projet toujours plus loin » poursuit Ginette Grancher. En 20 ans, la bibliothèque de Cairon a plus que triplé ses inscriptions et prête désormais 17 800 ouvrages par an. Grâce à l’accompagnement sans faille de la Bibliothèque du Calvados, la salariée et les 10 bénévoles ont participé à des projets motivants, tels que les rencontres d’auteurs ou le festival de contes.
« Au-delà de la bonne volonté, je considère le bénévolat comme une opportunité pour chaque citoyen de s’impliquer dans un projet qui lui tient à cœur. L’intelligence collective mise au service du public permet parfois de déplacer des montagnes. »
Sandrine Chapuis & Romain Douchin Hîroz, une nouvelle jeunesse pour Guillaume et Mathilde
Sandrine Chapuis et Romain Douchin, tous deux Normands d’adoption, ont l’imagination fertile et de l’audace à revendre. Il fallait en effet oser sortir les illustres Guillaume le Conquérant et Mathilde de Flandre des livres d’histoire, pour leur offrir de nouvelles aventures. Une idée qui semblait pourtant évidente pour ce duo créatif, fondateur de l’agence de communication Hîroz en 2019. « Nous avions envie de mettre en lumière ces personnages emblématiques, qui sont ancrés dans l’inconscient collectif des Normands » indique Sandrine Chapuis. Le coup de crayon de Romain Douchin a permis de leur donner vie : « inspiré par les bandes-dessinées franco-belges de mon enfance, les comics et les mangas, j’ai dessiné Mathilde et Guillaume dans un esprit culture pop très actuel, sous les traits de deux enfants. »
À l’origine de ce concept, l’envie de proposer aux institutions et entreprises du territoire un vecteur de communication adapté à une cible familiale. « Notre approche correspondait à un réel besoin d’outils pour valoriser le patrimoine humain, architectural et historique auprès des familles », poursuit Sandrine Chapuis. En effet, de nombreuses institutions cherchent à s’adresser aux plus jeunes sous un angle nouveau, afin de désacraliser leur message sans l’appauvrir. Un exercice auquel s’est prêtée avec enthousiasme Sandrine Chapuis, qui, dans son passé professionnel, a exercé le métier de professeur de lettres.
Guillaume et Mathilde, entourés de quelques fidèles acolytes tels que Baudouin, Raoul ou Adelise, deviennent ainsi les protagonistes de fabuleuses aventures qui invitent le jeune public à s’immerger dans l’histoire normande. « Les jeunes s’identifient et s’attachent très rapidement aux personnages, ils ont envie d’en savoir plus, de savoir qui a gagné par exemple. En voyant leur réaction, on se dit que notre approche fonctionne bien. » L’intérêt de ce concept est qu’il est entièrement personnalisable pour chaque commune, musée ou entreprise privée qui souhaite communiquer sur son patrimoine. En plus de proposer des supports ludo-pédagogiques personnalisés, Hîroz lancera très prochainement une ligne d’objets dérivés.
« Nous souhaitions proposer une boîte à outils commune pour que chaque client, public ou privé, puisse communiquer sur ses atouts, tout en s’inscrivant dans une homogénéité qui fait écho au projet de grande Normandie. »
Margaux Lenormand Auteure au grand cœur
Margaux Lenormand, âgée de 20 ans, avoue tirer son énergie de son duo avec Jimba, son golden retriever d’assistance. « On m’a diagnostiqué une maladie orpheline en 2014, après 5 années d’errance médicale. À l’époque je me déplaçais déjà en fauteuil roulant. Au bout d’un an, j’ai décidé de remplir le dossier pour devenir bénéficiaire d’un chien d’assistance. » C’est l’association Handi’Chiens qui choisit et éduque les chiens grâce à la générosité de donateurs. La demande est très largement supérieure au nombre de chiens formés, Margaux Lenormand est donc consciente de sa chance lorsqu’elle accueille Jimba en 2017.
La complicité s’installe tout de suite et le quotidien de la jeune femme se transforme : « j’avais le privilège d’avoir une super héroïne à mes côtés. Les gens ne me regardaient plus avec pitié, Jimba avait le don de faire oublier le fauteuil. » Très vite, Margaux Lenormand a envie de partager leur quotidien par le biais d’une page Facebook, mais, modeste, elle laisse la plume à son acolyte canin. Jimba n’a pas uniquement des aptitudes pour l’assistance, elle est également dotée d’un franc-parler et d’un humour qui séduisent très vite le public.
Les 6000 fans de la page y trouvent leur dose de bonne humeur quotidienne et réclament un ouvrage. Toujours soucieuse de satisfaire son public, Jimba s’exécute. Il lui faudra un an pour écrire son premier livre Jimba, une golden Handi’chien, sorti en 2018 et suivi en 2019 d’un deuxième ouvrage, Moi Jimba, et ma gamine à roulettes. Une fois la campagne de crowdfunding terminée, le salon familial est réquisitionné comme base logistique pour expédier au plus vite les commandes en France et à l’étranger et satisfaire les lecteurs qui ont permis à Margaux Lenormand d’atteindre un objectif qui lui tient à cœur. « Grâce aux ventes des deux ouvrages, nous avons pu devenir marraines d’un Handi’chiot nommé Orus, et nous allons bientôt pouvoir en financer un deuxième. »
Pour la jeune femme, qui étudie dans un IUT « gestion et management d’établissements sociaux », il est important de pouvoir à son tour contribuer au bien-être des autres, grâce à ses dons, mais également en continuant à communiquer son enthousiasme.
« De nombreuses personnes sont toujours en attente d’un chien. L’association Handi’Chiens fait un travail exceptionnel, je suis heureuse de pouvoir contribuer à leur action et de les aider à se faire connaître. »
Entreprise MomentTech MomentTech, la force du collectif
Le modèle idéal d’entreprise ? Il existe, à en croire les collaborateurs de la jeune société caennaise MomentTech, qui édite des logiciels spécialisés dans l’intelligence artificielle et la téléphonie d’entreprise. Leur aventure entrepreneuriale remonte au début des années 2000. Ils sont alors salariés de la startup NetCentrex, qui rencontre un succès fulgurant dans les technologies de transmission de voix en mode Internet (VoIP) avant d’être rachetée par un grand groupe. Le président de MomentTech, Gérald Vannier, se souvient : « nous étions 80 Caennais noyés dans un groupe de 5000 personnes. Pendant des années, nous avons été ballottés par des changements de direction, les projets ont été abandonnés au fur et à mesure, suivis par des licenciements. » En 2016, 16 irréductibles ingénieurs assistent à la fin de leur entreprise, inquiets pour l’avenir mais surtout, aspirant à autre chose.
Ce noyau dur commence alors à réfléchir à de nouvelles perspectives. « Certains d’entre nous commençaient à être chatouillés par le « deep learning », dans le secteur de l’intelligence artificielle. On avait envie de s’y frotter et on connaissait des entreprises qui pouvaient être intéressées… » C’est ainsi qu’est né MomentTech, en deux semaines, le nombre d’associés passe de 0 à 16. « Nous sommes tous rentrés à parts égales au capital. Idem pour les prises de décision. » Le carnet de commandes se remplit et le travail s’organise, autour de l’intelligence artificielle et de leur métier de base, la téléphonie d’entreprise.
Leurs compétences leur assurent une excellente crédibilité et les projets s’enchaînent, dans une organisation de travail atypique mais efficace. « On se connaît bien, on sait qui aime faire quoi, même s’il faut parfois sortir de sa zone de confort pour exercer des missions plus transversales comme les fonctions commerciales, l’administratif ou la gestion. » Les équipes sont modulables en fonction du projet et très adaptables. Chacun gère ses horaires et organise son travail. Le partage des informations et des compétences contribue également au succès grandissant de MomentTech, qui compte désormais 20 collaborateurs.
MomentTech séduit des clients à l’échelle européenne, un pari réussi pour cette équipe qui se réjouit de pouvoir poursuivre son activité sur un territoire dynamique qui porte haut les filières high-tech.
Ophélie Deyrolle : La métamorphose de l’ancien site de la SMN avec le WIP
La renaissance de l’ancien atelier de la SMN, l’équipe du WIP l’a rêvée en grand. En friche depuis la fermeture de l’usine dans les années 90, ce géant chargé d’histoire attendait l’étincelle qui allait lui donner un nouvel essor. C’est en 2016 qu’Ophélie Deyrolle, alors salariée de Normandie Aménagement, décide de se lancer dans cette aventure : « il fallait un acteur indépendant pour incarner le projet de réhabilitation. Je connaissais parfaitement le dossier et les équipes, cela faisait sens. »
Pensé pour favoriser l’interaction sociale, le WIP ne pouvait en effet se concevoir que de manière collaborative. « Dès le début il était clair que la gouvernance du WIP devait être participative, nous avons donc créé un statut associatif, puis une Société Coopérative d’Intérêt Collectif » explique Ophélie Deyrolle. Dès le début, le projet passionne les riverains, les curieux, les élus locaux, et tous ceux à qui il manquait un lieu pluriel, à leur image. « Nous avons imaginé un lieu de vie, de culture et de développement économique, où foisonneraient des projets collectifs, porteurs de valeurs qui nous sont chères, inscrites dans une dynamique de transition sociale et écologique. »
En guise de prélude, l’équipe du WIP met en place une cité de chantier composée de containers, qui accueille pendant 3 ans ateliers, co-working et événements. Une initiative ambitieuse qui permet au public de se faire une idée de ce futur lieu hybride et d’en saisir les enjeux. « Il nous tenait à cœur d’intégrer nos valeurs à la mise en œuvre du chantier. Nous avons misé sur le réemploi des matériaux pour limiter les coûts et l’impact environnemental. Dans la Grande Halle, on trouve des matériaux récupérés dans un rayon de 5 km. »
Ouvert en octobre 2019, le WIP abrite 500 m² de bureaux, un restaurant, d’immenses espaces événementiels ainsi que des salles dédiées à la création artistique. Plus qu’un lieu, il s’agit d’un écosystème où les pratiques professionnelles se décloisonnent. C’est d’ailleurs là que réside la force de l’équipe du WIP : outre la gestion des espaces, ils aident à créer des passerelles entre les projets faisant ainsi la part belle à l’inclusion et au lien social.
« Nous avons des retours très positifs. Les utilisateurs, les visiteurs, mais également les collectivités sont conquis par la notion de tiers lieu. C’est très motivant et cela nous pousse à proposer encore plus de projets fédérateurs et innovants ! »
Christian Sébire & Pascale Crochemore Ornavik, immersion à l’époque des Vikings
Christian Sébire, le fondateur du projet Ornavik, explique en préambule que ce pari un peu fou est parti d’un constat évident : « malgré la fascination qu’ils exercent toujours, nos ancêtres les Vikings sont peu représentés dans le patrimoine culturel et touristique normand. » L’idée de créer une expérience immersive dans un parc médiéval, avec l’objectif de raconter la fabuleuse histoire de la naissance de la Normandie, séduit élus locaux et partenaires. Le 11e centenaire de la Normandie approchant, le projet se met en route sur le domaine de Beauregard, à Hérouville-Saint-Clair, porté par l’association Les Vikings An 911.
« Pour que cela fonctionne, il nous fallait l’adhésion des Normands » ajoute Christian Sébire. Pari tenu : en 2011, pour sa première saison, Ornavik accueille 5 000 visiteurs au sein d’un espace viking constitué de 5 tentes. Isolé des routes et du bruit par d’immenses talus plantés d’arbres et fermé par d’imposants portails, le parc est le fruit du travail de bénévoles, guidés par un conseil scientifique et accompagnés par des artisans locaux. « On ne s’improvise pas tailleur de pierre ou chaumier », poursuit Pascale Crochemore, directrice et bénévole de la première heure. « Conquis par le défi technique, certains artisans revenaient bénévolement le week-end pour transmettre leur savoir-faire. »
Au fil des ans, le parc s’étoffe. Après avoir bâti fermes et maisons, les bénévoles s’attèlent à des constructions toujours plus ambitieuses dont une église dans le village carolingien et, côté viking, un hangar à bateaux qui accueillera bientôt un drakkar.
Pascale Crochemore, devenue salariée après 10 années de bénévolat, coordonne cette force vive. « Plus de 100 bénévoles travaillent sur le projet, sans parler des partenariats avec des écoles, des services civiques et des jeunes en réinsertion qui interviennent sur le chantier. La cohésion du groupe repose sur la place donnée à chacun. » Ces hommes et ces femmes, de tout âge et de tout milieu, s’investissent toute l’année. Pendant les jours d’ouverture au public, de plus en plus fréquents, ce sont eux qui animent le site, forts de leurs savoir-faire et de leur attachement à cet art de vivre viking.
« Cette aventure est portée par les bénévoles mais également les élus locaux, les équipes du Département, avec son service archéologie, les mécènes et les partenaires. Grâce à cette force collective, Ornavik se dotera très prochainement du premier centre d’interprétation viking d’Europe. »
Patrick Fabre Oceanoplastic, pour une mer sans plastique
Amoureux de la mer et du littoral depuis son enfance, Patrick Fabre s’est inventé un destin digne de sa passion des océans. À l’origine de cette destinée, la prise de conscience que la pollution plastique menace les eaux de notre monde. «J’ai constaté au cours de mes voyages que le plastique avait envahi la mer, pour la première fois dans l’océan Indien, vers le canal du Mozambique. J’ai fait le même bilan aux Antilles ou en Polynésie Française, où l’impact du tourisme, de la pêche, de la conchyliculture ou de la perliculture est délétère et les moyens de gestion insuffisants voire inexistants.»
Homme d’action, Patrick Fabre sait qu’il doit se lancer pour combattre ce fléau international. Il prend cependant le temps de la réflexion et de l’analyse : « à l’issue de recherches approfondies, il est devenu évident que ce sont les plastiques non pris en charge qui polluent les océans. » Fort de ce constat, il crée l’association Oceanoplastic en 2016 avec sa fille aînée, dans l’objectif d’identifier les fuites de plastique vers l’océan, et de lutter pour les supprimer. Dans ce cadre, père et fille fédèrent des partenaires autour du projet et lancent des actions qu’ils qualifient de plasticitoyennes : des collectes de déchets qui, outre la sensibilisation du grand public, visent à analyser la source de la pollution, pour tenter de la traiter.
De 7 personnes pour la première collecte, l’association Oceanoplastic voit rapidement chaque action rassembler des dizaines, voire des centaines de personnes. Mais comme le précise Patrick Fabre, « la collecte n’est qu’un outil : une fois la source de la pollution identifiée, nous intervenons en amont auprès des élus, des réseaux d’entreprises ou d’influenceurs. Nous les invitons à mener une réflexion sur les moyens techniques à mettre en œuvre pour supprimer ces fuites de plastique. » Loin des affirmations péremptoires, Oceanoplastic ne diabolise pas le plastique, mais vise à réduire sa production à des usages indispensables et à en gérer l’après. Dans le cadre de cette approche concrète et pluridisciplinaire, l’association a également monté une exposition itinérante et pédagogique sur le plastique et son déchet, Plastic Story.
« J’ai foi en l’avenir. Je ne me dis jamais que ce que nous faisons est une goutte d’eau dans l’océan mais plutôt que les petits ruisseaux font les grandes rivières. Depuis les débuts d’Oceanoplastic, nous avons tout de même sensibilisé plus de 5000 personnes ! »
Pierre-Louis : Attwell Vogue avec un Crohn
Pierre-Louis Attwell est initié à la voile dès ses 7 ans par son père, aux côtés de son jeune frère. « Enfant, je rêvais de course au large comme d’autres aspirent à devenir astronaute. » Un but qui lui semble d’autant plus inaccessible qu’on lui diagnostique la maladie de Crohn à l’âge de 16 ans. Cette maladie chronique de l’intestin se traduit par une inflammation du système digestif.
« Pendant longtemps, je n’ai abordé mon Crohn que d’un point de vue très médical et terre à terre. En dehors des médecins et d’un cercle familial proche, je considérais le sujet comme tabou. »
Comme les navigateurs d’antan, c’est une bonne étoile qui a guidé Pierre-Louis Attwell vers son destin de compétiteur. En 2016, il apprend que les bateaux Figaro 2 laisseront place à un nouveau modèle deux ans plus tard sur la course éponyme. Il croise alors le chemin de Claire Pruvot, navigatrice en solitaire et ambassadrice du nautisme dans le Calvados (désignée Coup de cœur So14 ! en 2014), une rencontre qui l’inspire. « J’ai eu envie de me lancer. C’était une chance de donner du sens à ma passion et de communiquer de manière ouverte sur ma maladie pour la première fois. »
Il lui faudra un an pour boucler son budget et trouver des sponsors, épaulé par l’association François-Aupetit, qui œuvre pour la maladie de Crohn à l’échelle nationale.
En 2018, à 21 ans, il prend place au départ de la solitaire URGO LE FIGARO, avec le titre du plus jeune coureur. Un départ compliqué et une course difficile qui ne freinent en rien ses ardeurs et lui permettent de trouver son futur binôme : Calliste Antoine. « Prendre le départ, c’était déjà une victoire » explique Pierre-Louis Attwell. « À partir de là, tout était possible, pourquoi pas une transatlantique ? »
C’est donc sur un Class40 que la team « Vogue avec un Crohn » embarque l’année suivante au départ du Havre pour la Transat Jacques Vabre, destination Salvador de Bahia. Classés en milieu de palmarès, les deux co-équipiers ne demandent qu’à repartir pour une nouvelle aventure au large, avec pour projet de rencontrer des patients atteints de la maladie de Crohn dans chaque port d’amarrage.
« Avec l’association François-Aupetit, nous souhaitons prouver que même malade, on peut réaliser ses rêves. Il y a près de 250 000 personnes atteintes de MICI (Maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin) en France, nous avons envie de leur donner envie de s’épanouir dans une pratique qu’elles aiment. »
Rémy Touzé & Virginie Cronier Une formation à la langue des signes française pour les sapeurs-pompiers
L’aventure débute en 2016, lorsque le sergent Rémy Touzé, sapeur-pompier du centre de secours de Caen-Couvrechef, entreprend une formation à la langue des signes française (LSF), à titre personnel.
« J’ai toujours eu envie d’apprendre la LSF, dont je trouve la richesse fascinante » explique-t-il. Dans le cadre de son activité professionnelle, le sergent a déjà eu l’occasion d’intervenir en urgence auprès d’une personne sourde et s’était alors senti démuni : « si une personne parle une langue étrangère, on identifie tout de suite le problème de communication. Lorsqu’une personne en difficulté signe, les équipes de secours peuvent ne pas réaliser qu’elle est sourde. »
En échangeant avec ses formateurs et avec Virginie Cronier, présidente de l’Association des Sourds de Caen et du Calvados, Rémy Touzé réalise que le problème va plus loin. Nombre de personnes sourdes renoncent à appeler les secours car elles redoutent ce problème de compréhension qui ne manquera pas de retarder la prise en charge et d’y ajouter un supplément de stress. « En 2017, je suis intervenu de nouveau auprès d’une famille dont tous les membres étaient sourds, cette fois-ci c’était beaucoup plus fluide ! Je me suis aperçu qu’il suffisait de peu de signes pour établir le contact et gérer la prise en charge. »
Soutenu par sa hiérarchie et ses collègues, le sergent initie avec eux, en collaboration avec Virginie Cronier et différents partenaires, la mise en place d’un module de formation de 3h et de supports de travail pour enseigner quelques expressions en LSF aux sapeurs-pompiers du Calvados.
Conçue en 2019, elle sera dispensée à l’ensemble des sapeurs-pompiers du Calvados dans les mois à venir afin d’améliorer la prise en charge des personnes sourdes ou malentendantes.
Cette initiative inédite, relayée par les médias, a permis de rassurer la communauté sourde de Caen. Virginie Cronier reconnaît qu’elle et les membres de l’ASCC ont été agréablement surpris de la démarche. « Pour la première fois, on venait « frapper à la porte » des sourds. En général, les sourds doivent se battre pour l’accessibilité. Cela n’a été que bénéfique et nous souhaitons poursuivre ce travail avec d’autres services d’urgence. »
« Nous avons tous eu à cœur la notion de service public pour tous. C’est pour cette raison que nous avons allié nos compétences et nos connaissances, afin d’apporter aux équipes du SDIS 14 une solution adaptée et simple à mettre en pratique. »
Stéphanie Gastaldin Linaé, le lin à fleur de pot
Après dix années passées à développer des produits de soin pour de grands noms du secteur cosmétique, Stéphanie Gastaldin rêvait de créer une marque qui incarnerait sa propre vision de la beauté. Un parcours de vie aux accents de chemin intérieur, qui puise son inspiration dans le champ des possibles de son enfance, au cœur de la plaine de Caen où son père cultive le lin selon un savoir-faire hérité de plusieurs générations. « Je voulais une ligne de soins respectueuse du Vivant sous toutes ses formes. Il était important pour moi qu’elle soit naturelle, responsable, traçable et locale. » C’est tout naturellement que le lin s’est imposé comme actif phare de sa marque de soins nommée Linaé. « C’est une plante noble qui possède de nombreuses vertus, son huile est notamment riche en omégas 3 et 6. J’avais envie d’associer mes deux univers, convaincue que l’alliance serait belle».
Grâce à l’expertise de son père, Stéphanie Gastaldin a sélectionné des graines de lin BIO aux propriétés organoleptiques les plus appropriées. Il faudra encore 18 mois de collaboration avec un formulateur pour concrétiser sa vision des formules et donner vie aux produits. Sans matières d’origine animale autres que la cire d’abeille, les soins sont composés à plus de 98% d’ingrédients d’origine naturelle, le tout sans compromis sur la sensorialité ou l’efficacité.
« Mon objectif était d’ancrer la production en France, des matières premières au packaging. Le lin est également utilisé en accessoire et dans l’emballage. » Labellisés Origine France Garantie et One Voice (qui identifie une consommation éthique, dénuée de souffrance animale), les produits sont également présentés dans des packagings recyclables.
Six soins répartis en deux gammes et des carrés démaquillants lavables sont désormais disponibles à la vente, dans une sélection de points de vente ainsi que sur le e-shop. Le succès est tel qu’une nouvelle gamme est en préparation pour l’année prochaine.
« Le premier point de vente à implanter ma ligne de soins est basé dans le Calvados. C’était important pour moi, une manière de rendre hommage à ma terre d’origine et de mettre en avant cette culture noble du lin qui en fait aussi la richesse. »
William Messi et ON2H, la structuration du hip-hop de demain
William Messi incarne parfaitement l’expression « à cœur vaillant, rien d’impossible ». Formateur en droit du travail, lieutenant réserviste en gendarmerie et champion de breakdance, il chérit la culture hip-hop et a créé une association, ON2H, pour contribuer à sa structuration. Un parcours atypique qu’il explique aisément : « je pense que l’on se construit dans l’agrégat de plusieurs choses. J’ai découvert le breakdance au Cameroun, dont je suis originaire, puis je me suis orienté vers le droit et les forces de gendarmerie en France. Pour moi c’est très cohérent, toutes mes activités servent un profond désir de justice. »
À l’image de William Messi, la culture hip-hop est plurielle. Née il y a plus de 40 ans dans le Bronx, elle regroupe 4 disciplines : les danses – debout ou au sol, comme le breakdance – le graffiti, le rap et le deejaying. Contrairement aux autres danses académiques, la danse hip-hop s’enseigne non par âge mais par niveau, jugé lors de battles, souvent organisées par les danseurs ou des associations.
Le hip-hop compte environ 15 000 enseignants et 500 000 pratiquants en France. Aucune formation d’État n’est pourtant proposée aux professeurs, qui recourent à la microentreprise ou à l’associatif pour exercer. La proposition d’un référentiel pour la mise en œuvre de cette formation diplômante a été l’un des principaux axes de travail d’ON2H. « Nous avons mis en place un diplôme transitoire qui débutera en septembre 2020, le diplôme d’État sera opérationnel en 2021 et un système de validation des acquis sera également proposé. »
Il est difficile de structurer une discipline qui s’est toujours affranchie des codes. Cela nécessite une connaissance fine du terrain pour instaurer un dialogue entre les différents acteurs, loin des clichés. William Messi sillonne la France entière pour expliquer la démarche d’ON2H, notamment la mise en place de Maisons du Hip Hop pour regrouper les pratiques et les actions. Un travail de longue haleine qui porte ses fruits auprès des pratiquants et qui apporte une légitimité à l’association, sollicitée pour participer aux échanges sur le breakdance comme discipline olympique en 2024.
« Le hip-hop est porteur de valeurs fortes telles que l’égalité homme-femme, la place de l’enfant ou encore l’inclusion sociale. Nous sommes heureux de trouver aux niveaux local, national et international un écho positif à notre démarche. »